Naissance du Beffroi

Si Léon Bocquet et ses amis étudiants avaient eu l’occasion d’échanger ces mots, peut-être l’auraient-ils fait ainsi… Mais ce dialogue, bien que plausible, demeure une création fictive, fruit d’une imagination souhaitant faire revivre ces figures littéraires. » Titre : Naissance du Beffroi Scène : Un café lillois, enfumé et bruyant, quelque part en 1899. Quatre étudiants…


Si Léon Bocquet et ses amis étudiants avaient eu l’occasion d’échanger ces mots, peut-être l’auraient-ils fait ainsi… Mais ce dialogue, bien que plausible, demeure une création fictive, fruit d’une imagination souhaitant faire revivre ces figures littéraires. »

Titre : Naissance du Beffroi

Scène : Un café lillois, enfumé et bruyant, quelque part en 1899. Quatre étudiants en redingote et écharpe discutent avec ferveur autour d’une table bancale, entre une assiette de frites refroidies et quelques verres de bière locale.


LÉON BOCQUET (frappant du poing sur la table) — Messieurs, il nous faut une revue ! Une revue littéraire digne de ce nom !

GOSSEZ (haussant un sourcil) — Une revue ? Mais enfin, Léon, qui va la lire ?

BLANGUERNON (sarcastique) — Nos mères, peut-être. Par pitié filiale.

BOCQUET (grandiloquent) — Non, non, non ! Le Nord a besoin de culture, d’art, de poésie ! Nous devons élever les esprits !

GOSSEZ (ironique) — Et qui va élever l’argent pour l’imprimer ? Parce que moi, mon portefeuille est aussi vide qu’un roman naturaliste après un bon coup de censure…

BOCQUET (enthousiaste) — On trouvera bien ! L’important, c’est le rêve, l’ambition, le feu sacré !

BLANGUERNON (moqueur) — Et un bon imprimeur qui accepte d’être payé en promesses littéraires…

GOSSEZ (tapotant son verre) — Bon, admettons. Et on l’appelle comment, cette future grande revue que personne ne lira ?

BOCQUET (levant un doigt triomphant)Le Beffroi !

BLNGUERNON (hésitant) — Comme la tour de l’hôtel de ville ?

BOCQUET (inspiré) — Exactement ! Solide, majestueux, témoin de l’histoire et gardien de l’esprit du Nord !

GOSSEZ (soupirant) — Ça sonne mieux que La Gazette des Étudiants Fauchés, j’avoue.

BLANGUERNON (pragmatique) — Et on met quoi dedans ? Des poèmes sur la pluie et le charbon ?

BOCQUET (offensé) — Non, mon cher ! Des essais, des critiques, des poèmes, des traductions ! Nous ferons découvrir la littérature étrangère aux Lillois !

GOSSEZ (moqueur) — Bonne idée. On leur traduira peut-être enfin la recette du Welsh …

BLANGUERNON (souriant) — Trêve de plaisanteries. Il nous faut des contributeurs. Des écrivains, des penseurs, des visionnaires !

BOCQUET (frappant des mains) — Parfait ! Demain, nous écrivons notre manifeste !

GOSSEZ (vidant son verre) — Et après-demain, nous trouvons un imprimeur qui accepte d’être payé en alexandrins…

(Les quatre jeunes idéalistes trinquent en riant. Ainsi naîtra Le Beffroi, au son des verres et des rêves ambitieux.)


MORALE : Toute grande entreprise commence par une idée, un verre de bière et une montagne d’optimisme !

Une nouvelle pléiade – Le 15 janvier 1899, avec Gossez et Blanguernon, Léon Bocquet fonde la revue « Le Beffroi ». A ce triumvirat, se joignent bientôt Paul Castiaux, Théo Varlet, … plus tard, le succès acquis, s’agrégeront à ce noyau quelques universitaires : Auguste Angellier, doyen de la Faculté des Lettres, Médéric Dufour, professeur de grec, Henri Potez, maître de conférences…

Léon Bocquet ou De la lumière d’Hellas aux nostalgies de Flandre.. Pierre Descamps – Plein Nord – mars 1982