



M. Léon Bocquet témoigne d’un remarquable instinct de poète. La mesure qu’il observe dans un sonnet comme dans une élégie, l’ordre et le choix de ses « motifs », le développement harmonieux qu’il a su donner plus particulièrement à certains fragments de son œuvre, le signalent à tous. Alors que la plupart des poètes s’efforcent à déformer — pour le plaisir stupide de déformer — M. Bocquet s’exprime simplement avec art :
- Penche-toi sur mon cœur, ô fiancée, appuie
- Sur ma poitrine heureuse et forte, ton amour
- Comme sur un rosier pourpre, au déclin du jour,
- Tombe le vent chargé de parfums et de pluie.
L’alexandrin dont il use, est un peu fuyant mais il retient parfaitement l’impression fugitive, la tendresse avide et troublée dont le cœur du poète déborde. Dans l’ensemble un peu lâche on perçoit un unique, plaintif, sincère et grave sentiment.
Le Feu, 1 oct. 1910, p. 69/103 – Francis CARCO – Retronews.fr
Un plus véritable disciple de Virgile, M. Léon Bocquet, nous donne les Branches lourdes, lourdes de fleurs et de fruits et d’oiseaux ; pleines de promesses, de fécondité et de chants. Ce poète est heureux, surtout dans l’expression de la joie sereine, des sentiments moins passionnés que profonds et durables, de l’amour conjugal, de la vénération attendrie qu’éveille la lourdeur sacrée de la nouvelle épouse. Il connaît aussi les plaintes de la mélancolie ; mais il n’empoisonne pas sa tristesse d’amertume et d’orgueil ; il oublie vite que ses yeux ont pleuré. Une gravité harmonieuse, telle est la dominante de son aimable talent.
- Une cloche a fini de sonner. C’est dimanche,
- L’après-midi pareil
- A la route qui monte interminable et blanche
- Passe dans le soleil.
- Le jardin séculaire et ses boutons de roses
- Parmi la poudre d’or
- De la belle lumière où les arbres reposent
- Semble une île qui dort.
- Les abeilles d’été, vives et bourdonnantes
- Volent et font leur miel,
- Sur les lilas d’azur qui fleurissent les pentes
- Des bleus coteaux du ciel.
- Le vent de France est doux sur le clair paysage
- Si doux qu’on voudrait bien
- Enfermer ce décor dans la parfaite image
- D’un vers virgilien.
A M. Léon Bocquet aussi, des jeunes hommes, des fiancées, des mères, quelques vieux cœurs à qui la vie laissa la faculté d’être émus, quelques lettrés non desséchés par les livres, ce public choisi, souvent obscur, toujours sincère, le seul pour qui devrait écrire un véritable poète, diront :
Tes vers sont doux : j’aime à les répéter…
L.-N. Baragnon – L’Univers du 13 juin 1910 – Retronews.fr
[…] M. Léon Bocquet est un des meilleurs ouvriers de cette phalange et, homme du Nord, il agita, avec mesure, le Beffroi de la maison commune, où son rêve eût été de voir réunis tous les bons poètes.
Il nous donna ses premières Sensations en des vers où s’accusait déjà la pensée et le peintre. Puis, vinrent Les Cygnes noirs, qui berçaient ses rêves sur la grâce souple des eaux. Et voici maintenant qu’il n’a eu qu’à étendre le bras pour cueillir les beaux fruits des Branches lourdes qu’il nous offre.
Sous ces Branches lourdes, le poète cueille les « roses de l’Amour » quand « le soir tombe » ; il rêve de « belles nostalgies » ; il célèbre « les gloires fraternelles » ; et chérit « le silence pensif ». Il vibre à « l’appel du Passé » et proclame « l’orgueil héroïque », et ses vers souples, gracieux, modulés, selon une douce musique, sont toujours adéquats à sa pensée souriante et grave. Dans les « Belles nostalgies », vous relirez toujours avec plaisir ce Symbole :
Prends au creux de ta main du sable et clos tes yeux,
Puis écoute chanter au profond de ton rêve,
Comme un pêcheur antique étendu sur la grève,
Les fabuleuses voix des flots harmonieux.
Serre le poing plus fort : les yeux aussi ;
Que tu tiens dénoués les cheveux d’algue et d’or
D’une sirène orphique et qu’une lyre endort.
Le passé légendaire et son divin mensonge.
Mais bientôt à les doigts une poussière fuit.
De fluide lumière et d’impalpable écume :
Sens-tu l’obscur frisson d’amour et d’amertume
De l’eau qui s’évapore et du rêve qui fuit ?
C’est tout. Ouvre les yeux ! Vois ta main vide et pleure,
La brève illusion et le sable marin
Au néant ont croulé, malgré toi, grain à grain,
Comme une cendre vaine au sablier de l’heure.
M. Léon Bocquet est un poète aux colorations riches et douces comme un décor d’automne. Les Branches lourdes penchent en un paysage mélancolique et généreux qui est bien l’image sincère du poète qui l’a évoqué.
ALBERT SAINT-PAUL, Le 1er avril 1911 – L’Action – Retronews.fr
« Notre collaborateur, M. Léon Bocquet, vient de publier, avec un beau portrait gravé sur bois par Fernand Pinal, une nouvelle édition de son recueil de poèmes Les Branches lourdes, auquel l’Académie française donna, en 1910, le prix Archon-Despérouses.
Dans une étude d’ensemble sur l’œuvre de M. Léon Bocquet dans Vient de Paraître, M. André Foulon de Vaulx définit en ces termes ce qu’il nomme la « Symphonie poétique » des Cygnes noirs et des Branches lourdes :
« Une sensibilité aiguë, une imagination ardente, le doute de soi, l’angoisse jusque dans le bonheur même, la tristesse devant la douleur éparse dans le monde, une amertume contenue, une résignation fière, une sérénité lourde de souffrance cachée donnent un accent très noble, très pur, à cette poésie qui baigne dans une atmosphère morale d’une rare qualité et qui est réalisée en une forme classique au charme sévère, où la grâce garde toujours sa retenue et sa dignité. »
Ajoutons que l’œuvre poétique de M. Léon Bocquet se complète aujourd’hui par Crucifixions, poèmes inspirés par la guerre, quatrième volume de la Collection « Apollon ».
Le Figaro – 20 avril 1929 – Retronews.fr

La Revue Septentrionale du 01-01-1911 (Gallica.bnf.fr)