Ce dialogue est une œuvre de fiction. Bien que basé sur des faits et des personnages réels, il relève de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des propos réellement tenus ne serait que pure coïncidence

Titre : Léon revient d’Italie… mais pas complètement
Scène : Le salon familial à Roubaix, 1907. Léon Bocquet vient de rentrer de son voyage en Italie. Il est encore enivré par la beauté des paysages et des œuvres d’art, tandis que Marie-Louise, impatiente, l’assaillit de questions. Elle l’a attendu avec Jacqueline, maintenant âgée de trois ans, et veut des détails concrets… pas seulement des vers !
MARIE-LOUISE (pressée, les bras croisés) — Alors, raconte-moi tout ! Comment était Florence ?
LÉON (les yeux dans le vague, rêveur) — Florence… une symphonie de marbre et de lumière, un poème sculpté par le temps…
MARIE-LOUISE (fronçant les sourcils) — Oui, bon, très bien, mais l’hôtel était confortable ?
LÉON (haussement d’épaules, distrait) — L’hôtel ? Ah… euh… un détail ! Mais la coupole du Duomo, Marie-Louise, qu’elle touche presque le ciel…
MARIE-LOUISE (roulant des yeux) — Bon, oublions Florence. Rome, alors ? Qu’as-tu vu ?
LÉON (enthousiaste, levant les bras) — Rome ! La ville éternelle ! J’ai marché sur les traces de César, j’ai flâné devant le Colisée, j’ai entendu le souffle du passé me murmurer à l’oreille…
MARIE-LOUISE (exaspérée) — Et l’auberge ? Il y avait de l’eau chaude ?
LÉON (bref silence, gêné) — Ah… ça… Disons que l’eau du Tibre est toujours aussi majestueuse.
MARIE-LOUISE (soupirant) — Bon… Naples, alors ?
LÉON (les yeux brillants, transporté) — Ah, Naples ! Ses ruelles pleines de vie, le Vésuve, impassible géant, et cette mer, Marie-Louise, bleue comme un vers de Virgile…
MARIE-LOUISE (coupant net, soupçonneuse) — Tu as goûté les pâtes ?
LÉON (prenant un air inspiré) — Ah, les pâtes… une ode à la simplicité, un miracle du blé et du soleil…
MARIE-LOUISE (moue sceptique) — Ce qui veut dire que tu as vécu de pain et de vin…
LÉON (esquivant, enthousiaste) — Venise, maintenant, parlons de Venise ! Marie-Louise, imagine… la brume du matin effleurant les canaux, le reflet des palais dans l’eau frissonnante, la poésie flottant entre ciel et lagune…
MARIE-LOUISE (les mains sur les hanches) — Et tu n’es pas tombé malade avec toute cette humidité ?
LÉON (évasif, toussotant) — Disons que… l’inspiration m’a un peu donné la fièvre.
MARIE-LOUISE (le fixant, faussement sévère) — Léon, sois honnête : tu reviens avec des poèmes, mais pas un seul souvenir concret ?
LÉON (ouvrant grand les bras, exalté) — Mais Marie-Louise, les poèmes SONT les souvenirs !
MARIE-LOUISE (plissant les yeux, malicieuse) — Eh bien, j’espère qu’ils peuvent aussi faire bouillir l’eau du thé… parce que moi, j’aurais bien aimé un service à café vénitien !
(Léon éclate de rire, Marie-Louise soupire en souriant, et Jacqueline, du haut de ses trois ans, déclare fièrement qu’elle préfère Lille à Venise. La réalité rattrape le poète… mais ses vers, eux, voguent encore sur la lagune.)
MORALE : On ne ramène peut-être pas un bibelot d’un voyage, mais on en rapporte toujours une montagne de vers… au grand désespoir de ceux qui attendaient un service à café !



En 1907 Bocquet fit un voyage en Italie. […] Il ne se contenta pas d’aller à Naples, il parcourut une grande partie de l’Italie en visitant les villes principales. Nous retrouverons dans « Branches lourdes » sous le titre « Les belles nostalgies » quelques brillants effets des paysages lumineux qui avaient charmé cet homme du Nord : Florence, Rome, Naples, Venise.
« La revue Le Beffroi de Léon Bocquet (1900-1913) , par Anna Mascarello