Ce dialogue est purement fictif. Bien qu’inspiré de personnages et d’événements réels, il relève de l’imaginaire de l’auteur. Toute concordance avec des propos authentiques ne serait que le fruit du hasard.

Titre : Le Séminariste et le péché des pervenches
Scène : Le bureau sévère du supérieur du séminaire. Une lourde horloge bat lentement la mesure du silence pesant. Face à un bureau encombré de manuels de théologie, un jeune séminariste se tient debout, mains jointes, tandis que son supérieur, front plissé d’indignation, tient entre ses doigts le recueil Sensations.
SUPÉRIEUR (d’une voix lente et dramatique) — Mon fils… Qu’ai-je donc sous les yeux ?
Léon BOCQUET (rougissant légèrement) — Un modeste recueil de poèmes, Mon père.
PERE SUPÉRIEUR (fronçant les sourcils, feuilletant rageusement) — Modeste, dites-vous ? Écoutez donc ceci ! « Deux silhouettes blanches / se dessinent sous bois… » Deux silhouettes blanches ! Voilà donc où vous en êtes, mon fils ? Loin des méditations sur la Sainte Écriture, vous contemplez… des silhouettes ?!
Léon BOCQUET (timidement) — C’était… pour exprimer la pureté du moment…
PERE SUPÉRIEUR (lisant avec indignation) — « Deux amants que je vois / cachés parmi les branches… » Cachés, vraiment ? La discrétion du péché, en somme !
MAÎTRE (horrifié en lisant à voix basse) — Mais… des baisers !
PERE SUPÉRIEUR (scandalisé, levant les bras au ciel) — « Échanger, âmes franches / leurs doux baisers de choix » ! De choix en plus ! Et que vois-je ? Des bouquets de pervenches ?! Mon fils, il est une seule offrande qui vaille : celle de la prière ! Pas celle de fleurs dérobées dans un élan passionnel !
Léon BOCQUET (cherchant une échappatoire) — Mais mon Père c’est une allégorie !
PERE SUPÉRIEUR (triomphant, assénant le coup de grâce) — Ah oui ? « Et sous le ciel immense, / monte dans le silence / un long duo d’amour… » MONTE ! Dans le silence, qui plus est ! Voilà donc comment vous vous exprimez ? Un duo d’amour ?!
MAÎTRE (révolté) — Je crains qu’il ne soit déjà trop tard pour le ramener sur le chemin de la chasteté poétique…
PERE SUPÉRIEUR (d’un ton grave, refermant le recueil d’un geste sec) — Mon fils, la poésie est un chemin périlleux. Un instant, vous écrivez sur les fleurs… et l’instant d’après, vous finissez en vers libres dans une taverne mal famée.
Léon BOCQUET (soucieux) — Vous pensez vraiment… ?
PERE SUPÉRIEUR (hochant la tête, implacable) — Tout commence par les pervenches, mon fils. Et ça finit en Verlaine.
(Le verdict tombe. Le recueil Sensations est confisqué. Mais, sous sa robe de séminariste, le jeune poète cache un carnet où d’autres vers germent déjà… car l’automne ne fait que commencer.)
MORALE : On peut enfermer un poète dans un séminaire, mais on ne peut pas enfermer l’automne hors de son cœur. 😏

Tout en étant séminariste, il écrit son premier recueil de poésies qu’il intitule: « Sensations », il le publia en 1897. Rien de choquant dans ces vers frais et simples d’adolescent, qui traduisaient, comme le titre le dit, ce qui frappait sa, sensibilité, c’est-à-dire la nature, les saisons, les premiers rêves d’amour. Mais le supérieur et ses maîtres, soumis aux règles sévères d’autrefois, lui reprochèrent une inspiration trop sentimentale pour un futur prêtre.
« La revue Le Beffroi de Léon Bocquet » Anna Mascarello