Entre le champ et la plume

Ce dialogue est une œuvre de fiction. Bien que basé sur des faits et des personnages réels, il relève de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des propos réellement tenus ne serait que pure coïncidence Titre : Entre le champ et la plume Scène : Une petite maison en torchis dans un village du Nord…



Ce dialogue est une œuvre de fiction. Bien que basé sur des faits et des personnages réels, il relève de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des propos réellement tenus ne serait que pure coïncidence

Titre : Entre le champ et la plume

Scène : Une petite maison en torchis dans un village du Nord de la France, fin XIXe siècle. Devant la cheminée, un père et une mère aux mains usées par le travail. Le fils, en redingote et lavallière, vient leur rendre visite après plusieurs années passées à Paris.

PÈRE (tapotant sa pipe contre la table) — Alors, gamin, tu fais quoi, maintenant, à Paris ? Toujours dans tes écritures ?

MÈRE (soupirant) — Il aurait mieux fait de rester ici. Marcel, le fils du boulanger, il est devenu épicier, lui. Un bon métier, ça.

FILS (souriant) — Maman, papa, j’écris, je traduis, je critique, je publie… J’ai même ma propre revue littéraire : Le Beffroi !

PÈRE (fronçant les sourcils)Le Beffroi ? Comme celui d’Arras ?

FILS (fièrement) — Exactement ! Un symbole de culture et d’élévation !

MÈRE (marmonnant) — Moi, tout ce que je vois, c’est que t’as pas les mains caleuses…

PÈRE (hoche la tête) — Et puis, c’est bien beau tes histoires, mais ça nourrit son homme ?

FILS (prenant un ton théâtral) — Je suis critique littéraire reconnu ! Je traduis des romans américains, ceux de James Oliver Curwood !

PÈRE (dubitatif) — Ah. Et c’est qui, c’t’homme-là ?

FILS — Un écrivain du Grand Nord ! Il parle d’aventures, de trappeurs, de loups, de neige…

MÈRE (secouant la tête) — On crève de froid ici, et voilà qu’il va écrire sur la neige.

PÈRE (se gratte la tête) — Mais… ils comprennent le français, tes Américains ?

FILS (riant) — Justement, je les traduis !

PÈRE (hoche la tête, impressionné malgré lui) — Bon… Et avec tout ça, t’as une femme, des enfants ?

FILS (gêné) — Pas encore. Mais j’ai mes livres, mes poèmes, mes critiques !

MÈRE (marmonnant) — Ah ben, ça te bercera pas la nuit, ça…

PÈRE (grognon) — Bah, tant que tu manges et que tu fais pas honte au village…

FILS (espiègle) — Honte ? Mais papa, je suis respecté dans les cercles littéraires parisiens !

MÈRE (amusée malgré elle) — À Paris, peut-être. Mais ici, c’est Marcel l’épicier qu’on respecte.


MORALE : Peu importe le succès, pour ses parents, un enfant restera toujours l’gars d’chez nous