La Société des Rosati est un cercle littéraire fondé en 1778 à Arras, dans le Pas-de-Calais. Rassemblant poètes, écrivains, journalistes et amateurs d’art, elle incarne un esprit de convivialité, de culture et d’amitié autour de la figure emblématique de la rose. Recréée au XIXe siècle, notamment à Paris, la société s’est dotée de traditions littéraires riches : concours annuels, fêtes poétiques et remises de distinctions honorifiques comme les « Honneurs de la Rose » ou les « Roses d’argent ».
Parmi les figures marquantes associées aux Rosati, Léon Bocquet occupe une place singulière, témoin de son attachement au patrimoine littéraire du Nord et à la valorisation de la langue, qu’elle soit classique ou patoise.
Dès 1911, Léon Bocquet est membre du jury du concours des Rosati, rôle qu’il remplira à nouveau en 1925. Cette année-là , la Fête des Roses célèbre les lauréats dans plusieurs catégories : Poésie et Prose, en français et en patois, ainsi qu’en Histoire locale — domaines chers à Bocquet.
Sa participation active s’illustre également lors des fêtes annuelles de la société à Fontenay-aux-Roses, rendez-vous incontournable des Rosati parisiens originaires du Nord. En 1922, Bocquet remet les Honneurs de la Rose à l’écrivain Sébastien-Charles Leconte.

La Presse – 8 juin 1927 – Retronews.fr
En 1927, il préside la 31e édition de la fête annuelle. L’année suivante, en 1928, il reçoit à son tour les Honneurs de la Rose, et prononce un hommage éloquent à Jean de La Fontaine, « président perpétuel » des Rosati.
Enfin, le 23 janvier 1934, Léon Bocquet est à nouveau honoré par ses pairs : il reçoit les Honneurs de la Rose pour l’ensemble de son œuvre. Cette reconnaissance illustre la place centrale qu’il a occupée au sein de cette société littéraire, en tant qu’écrivain, critique et défenseur de la culture régionale.
Par son engagement constant, Léon Bocquet a non seulement contribué au rayonnement des Rosati, mais a également affirmé sa vocation de passeur de mémoire et d’homme de lettres profondément enraciné dans son terroir.

L’Oeuvre du 4 juin 1928 – Retronews.fr
M. LĂ©on Bocquet a pris la parole devant le monument de La Fontaine. DĂ©tachons de son dĂ©licieux discours ce passage oĂą l’orateur Ă©voque Franc-Nohain et sa « Vie amoureuse de Jean de La Fontaine ».
Tout est dit et fort bien dit d’ailleurs sur La Fontaine fabuliste, naturellement ; sur La Fontaine conteur, cela va de soi ; sur La Fontaine Ă©pistolier et dramaturge, bien entendu, et sur La Fontaine moraliste, pourquoi pas ? Le choix des devanciers depuis longtemps s’est fixĂ© sur La Fontaine artiste, critique, naturaliste, vers-libriste, voire, en y mettant un rien de complaisance, intĂ©graliste. Et quant aux biographes, professeurs et fabricants de thèses, avec leurs satanĂ©es manies de fouineurs, ils ont sollicitĂ© tous les textes et peu laissĂ© Ă l’imprĂ©vu. Et vous connaissez l’admirable livre de Taine, aux dĂ©ductions systĂ©matiques. Et vous connaissez les merveilleuses Ă©tudes Ă©parses dans l’Ĺ“uvre de Sainte-Beuve, oĂą tout se trouve inclus. L’un Ă©tait de Vouziers et l’autre de Boulogne, ce qui tend Ă dĂ©montrer que ceux-lĂ ont le mieux compris La Fontaine, qui Ă©tait de sa race et presque de son pays. Mais vous n’attendez pas, j’imagine, que je vous serve en comprimĂ©s Ă la dose restreinte d’un Ă©loge quasi acadĂ©mique, la substance des meilleurs ouvrages de critique. Pourtant, sous peine de vous dĂ©cevoir, et de manquement au mandat qui m’a Ă©tĂ© confiĂ©, il nous faut aujourd’hui, foi du bonhomme ! de l’inĂ©dit n’en fĂ»t-il plus au monde.
Belle assurance, en vĂ©ritĂ© ! VoilĂ maintenant trente annĂ©es ou plus qu’il existe des Rosati renovĂ©s et qui parlent ici Ă la louange du fabuliste : l’invention est moins aisĂ©e qu’il ne paraĂ®t. Parcourir les tomes de la Revue Septentrionale en vue de m’Ă©viter de possibles redites, ce travail ne me chantait point. Mes rĂ©flexions allaient prendre un tour ennuyĂ©, sinon pessimiste, Ă mĂ©diter le dĂ©licat de la situation, lorsque, dĂ©sireux peut-ĂŞtre de m’Ă©pargner tout souci pour ces palabres du « dimanche en famille », mon Ă©minent confrère Franc-Nohain me fit parvenir, frais sorti des presses et sentant l’encre encore, son ouvrage La vie amoureuse de Jean de La Fontaine.
Ce nom de Franc-Nohain vous est familier, comme aussi sa savoureuse originalitĂ© de poète. La vie amoureuse, sujet plaisant et d’actualitĂ©, en un jour glorieux, parmi la voluptĂ© des roses et les sourires des femmes. J’imagine une scène du DĂ©camĂ©ron. VoilĂ mon affaire. Je m’en vais m’y tenir, quitte Ă contester quelques points de psychologie galante et Ă n’ĂŞtre pas du mĂŞme avis que M. Franc-Nohain, afin de me donner des airs entendus en stratĂ©gie conquĂ©rante. Aussi, est-ce d’un coupe-papier allègre et aux lèvres des couplets des Chansons des trains et des gares que je me mis Ă tourner les pages du livre neuf. J’y ai pris, vous n’en doutez pas, plaisir extrĂŞme. Il n’est pas beaucoup de romans ou de vies romancĂ©es de ce temps dont on puisse affirmer cela. HĂ©las ! au fur et Ă mesure qu’avançait ma lecture, je sentais s’effriter en menue poussière le tableau que j’avais vu et son dĂ©cor. Je venais trop tard. Tout Ă©tait dit, trop intelligemment dit, avec humour et avec amour sur les volages amours et avec furieuses Ă©quipĂ©es de qui, par dessus les jeux, les livres, la musique et le rĂŞve aimait l’amour papillonnant. Mais, d’espoir, en compagnie de Franc-Nohain. suivi Marie HĂ©ricart au salut et Jean au Mouton-Blanc, de lĂ chez Mme de la Sablière, puis chez la ChampmeslĂ©, chez le mĂ©nage d’Hermart ou chez Mme Ulrich, mĂŞme chez quelque Jeanneton, partout enfin oĂą le mari prenait ses aises et agrĂ©ment, la promenade m’avait induit en belle humeur….
Citons, enfin, cette adresse savoureuse à La Fontaine, par laquelle M. Léon Bocquet a terminé son discours :
O toi que l’on crut un dadais, Ă´ conteur qui ne t’en laisses pas conter, ton Ĺ“uvre est lĂ qui parle haut, lorsque, dans un sourire indulgent (car, tu l’as, le sourire !), elle instruit et persuade qui t’Ă©coute de n’ĂŞtre point la dupe des apparences. Elle atteste, propre Ă dĂ©niaiser, la vanitĂ© des grands mots sonores et la vanitĂ© ridicule des creuses entitĂ©s qui mènent la foule et l’abusent au profit de quelques-uns : politique d’intĂ©rĂŞt, justice partiale, austĂ©ritĂ© de façade, fraternitĂ© de secte et faux semblant. Et d’autres, et d’autres sous les fables ! Mais elle contient en elle une inoubliable leçon d’intelligence, d’ironie et de rĂŞve, une leçon de mesure constante dans l’appĂ©tit et la joie de vivre, dans les jeux de l’esprit et dans la sagesse avisĂ©e. […]
Custos, L’Echo de Paris du 5 juin 1928 – Retronews.fr