

Ce roman vigoureux s’ouvre sur la description très minutieuse de la récolte du tabac dans le département du Nord. Tout au long du livre ainsi, une partie documentaire d’un très vif intérêt vient se mêler intimement à l’action. Celle-ci est d’ailleurs extrêmement dramatique. Les Caudrelier, gros propriétaires terriens, ont un fils, Jacques, qui, ses études achevées à Paris, veut continuer l’exploitation paternelle. Il rencontre une jeune fille, Claire, dont il s’éprend et qu’il voudrait épouser. Mais Claire est en réalité sa demi-sœur, comme il l’apprend un peu tard.
M. Léon Bocquet a écrit sur ce thème un livre compact, puissant, voire truculent en plus d’un endroit, et qui constitue un remarquable roman de mœurs. Son style, émaillé de termes de terroir, apparaît en même temps, évocateur et un peu lourd, inutilement compliqué de mots rares, d’aspect un tantinet « goncourtien ». Mais il est bien exceptionnel qu’un écrivain n’ait pas les défauts de ses qualités.
Y.G. L’Intransigeant du 21 juillet 1935 – Retronews.fr
Avec Heurtebise, par M. Léon Bocquet, c’est encore d’un roman rural qu’il s’agit; mais point épique ni lyrique d’intentions; très strictement réaliste ou naturaliste, au contraire, et dont l’action se passe de nos jours en un lieu déterminé avec précision. M. Bocquet ne cherche pas à rattacher ingénument ses personnages au passé le plus lointain de notre espèce. Si leurs sentiments sont ceux que les hommes eurent en tous les temps, ils revêtent, cependant, ce caractère d’actualité, inséparable de toute peinture sociale documentaire. C’est dans le nord de la France, en effet, au pays où l’on fait la culture et la récolte du tabac qu’il nous emmène, et les détails techniques de son livre n’en sont pas le moindre agrément. M. Bocquet ne se pique pas d’innover, en littérature romanesque. Il est descriptif, à la façon des maîtres d’hier, et commente les actes ou analyse les passions de ses personnages en un style clair, mais pittoresque. On s’intéresse avec sérieux à l’histoire qu’il nous conte de ce jeune chef d’entreprise qui, pour continuer l’œuvre des siens s’initie à leurs méthodes, mais s’éprend d’une de ses ouvrières. Un inceste aggravé, ici, « la faute » de ce bourgeois près de se déclasser… M. Bocquet a choisi de résoudre, par la mort, le problème qui se pose à la conscience de son héros. C’est pathétique, mais trop brutal ou trop simple, à mon gré. Son roman n’en est pas moins une œuvre honnête, forte et solidement construite.
Mercure de France du 15 septembre 1935 – Retronews.fr
« Léon Bocquet vient de publier chez Albin Michel un très beau roman régional : Heurtebise. Heurtebise, c’est le nom d’un magnifique domaine dans un des pays les mieux cultivés du monde. Le maître Caudrelier est un gentilhomme campagnard attaché à sa terre avec une passion intelligente et qui sait, d’un irrécusable instinct, les harmonieuses convenances de la saison, du temps, du sol et de la plante. Toute l’histoire, tout le drame se déroule en quelques mois qui vont de la récolte du tabac à la livraison de ce tabac aux entrepreneurs de la régie. Échappant aux descriptions et au didactisme si fâcheux dans une œuvre d’imagination, Léon Bocquet trouve moyen de nouer étroitement les aventures de ses héros au sort de la plante. On apprend tout du tabac en même temps qu’on pénètre l’intimité de la famille Caudrelier, et qu’on est renseigné sur Madame, née d’Herbécourt, sur Jacques le fils qui succédera au père, sur ce père enfin. C’est une puissante figure. Il est si sympathique et si rudement beau qu’on a une peine véritable lorsque le malheur l’accable, malheur dont sa femme est responsable, dont elle meurt ; malheur pire que tout, puisqu’il entraîne dans le désespoir deux autres destins : celui du fils, Jacques, digne pourtant du vrai bonheur, et celui d’une enfant, innocente victime d’une affreuse fatalité. Tout est dit dans ce livre, les mœurs paysannes sont dépeintes véridiquement, il n’y a aucune complaisance, mais aucune exagération. Les choses vont ainsi et ne peuvent d’ailleurs aller autrement parce que la terre est une façonneuse rude et sévère en même temps que libre et dépourvue d’artifice. Mais, tout en disant, en montrant tout, malgré la tragique et honteuse cause du brisement de deux jeunes vies, Léon Bocquet pas une fois n’a versé dans la trivialité ni l’obscénité. Il parle, lui, de ce qu’il sait bien. Le style de Léon Bocquet, très heureusement et naturellement mêlé de dialectes et d’expressions du cru, est très poétique. C’est un excellent livre de mœurs paysannes d’une région définie. Orion lui souhaite le beau succès qu’il mérite.
Orion – L’Action française du 25 décembre 1935 – Retronews.fr